Nouvelles de l'Interzone
Août 2011
Pensons à
un dossier qui exigerait une intervention urgente
de l’État. Je suis presque certain que les élus nous répondraient par des
chiffres, question de nous faire comprendre que le rôle d’un maire ou d’un
premier ministre consiste à dépenser et à nous taxer, sans plus. J’aimerais
partager cette passion pour la gestion des fonds publics, mais mes facultés
intellectuelles me bloquent, depuis plusieurs années, au nombre trois à cause
de Hermès. Vous me croyez récipiendaire du prix Hermès de la Faculté des sciences
administratives remis à Charles Sirois en 1991, le célèbre
copain de John James Charest qui porte sur son dos
Liberté Québec avec l’aide de François Legault. Il
s’agit plutôt de Hermès Trismégiste, le dieu trois fois grand qui m’a fait croiser
les trois mendiants du film
Antichrist (2009) de Lars Von Trier.
Je sais. Ce réalisateur danois a
tenu des propos contestables sur Hitler qui ont provoqué de vives réactions au
Festival de Cannes. Je sais. Le nord de l’Europe abrite des extrémistes de droite,
dont le maintenant célèbre Anders Berhing Breivik, un prétendu initié de la franc-maçonnerie et des
Chevaliers du Temple qui s’en est pris au bureau du premier ministre norvégien
en faisant 76 victimes. Excusez-moi! Je veux seulement vous présenter les trois
mendiants de Von Trier pour partager avec vous des réflexions sur les valeurs
canadiennes, les dragons chinois et la névrose.
Ces trois mendiants d’Antichrist sont un renard parlant de chaos, une biche
n’ayant pas fini d’expulser son faon et un corbeau. En juillet 2010, lors d’un
voyage de trois jours au pays de l’oncle Sam, j’ai rencontré
ces trois bêtes. Alors que je roulais sur la Route 133, un
corbeau s’est jeté sur le véhicule que je conduisais. Surpris par la scène,
j’ai aussitôt regardé par le rétroviseur l’oiseau battre son dernier coup d’aile
pendant que deux de ses copains se précipitaient sur son corps pour le dévorer.
Plus loin, en territoire américain, je croisais, sur la Route 3, le cadavre
d’une biche qui semblait engrossée. Enfin, c’est en prenant un peu de repos que le
renard est arrivé pour me parler de chaos. C’est plus d’un an après que
j’associe ces animaux au Québec. Une petite biche ayant de la difficulté à
accoucher d’idées et projets pouvant nous apporter de l’espoir en un avenir
meilleur. Un corbeau qui profite du Plan Mort du gouvernement Charest-Normendeau pour plonger son bec dans la chair de la
Belle province et un renard qui nous avertit des conséquences qui découleront
du chaos qui s’impose partout, de la santé à la langue en passant par l’éducation.
Cela dit, je ne suis pas de ceux qui croient que le Nouveau parti démocratique (NPD) va changer la merde en or. En fait, la vague orange, annoncée le mardi 3 mai, n’a fait qu’amplifier une impression de manipulation née dans mon esprit lors de la campagne électorale. Un malaise qui s’amplifiait lorsque Nycole Turmel, député du NPD de Hull-Aylmer et remplaçante temporaire du chef Jack Layton depuis le 27 juillet, affirmait ceci après sa victoire: Ce sera au caucus du NPD de s’assurer que les valeurs de la Belle province répondent aussi à celles des Canadiens.
Comme j’ignorais si le ton traduisait
une volonté d’unir le Canada et le Québec autour de valeurs communes ou une
mise en garde aux Québécois, entre le 14 mai et le 6 juin,
trois courriels
furent envoyés à la députée pour lui demander d’énoncer ces valeurs. Pas de
réponse! Malgré mon mépris des adorateurs des planètes alignées qui frayent
avec la pensée magique, comme des mouches avec la pourriture, pour se prononcer
sur ce que je pense — sans même me consulter — de la réfection de Gentilly II, de
l’exploitation des gaz de schistes, de la monarchie britannique, de la bière à
boire lors des festivités de la Saint-Jean-Baptiste
de Québec, de Tactical FM,
du charisme de Gérald Tremblay ou de la ressemblance entre le maire de Toronto Rob
Ford et John James Charest, je vais tout de même
m’exprimer au nom de la chef actuelle du NPD.
Les valeurs
canadiennes
Si j’étais Nycole
Turmel, je m’inspirerais de James Shaver
Woodsworth (1874-1942) et de Lester Bowles Pearson (1897-1972) pour énoncer ces valeurs. En
1919, Woodsworth s’implique dans la grève générale la
plus marquante de l’histoire du Canada qui touche Winnipeg entre le 15 mai et
le 25 juin 1919. En 1932, il participe à
la fondation de la Fédération du Commonwealth coopératif (FCC), un parti
socialiste qui donne naissance au NPD en 1961 à la suite d’une alliance avec le
Congrès du travail du Canada. Élu en 1933 député à
l’opposition au Parlement canadien, en 1939 il s’oppose à la participation de
son pays à la Deuxième Guerre mondiale. Passons cette fois à Pearson. Il est le récipiendaire du Prix Nobel de la
paix en 1957 pour avoir proposé à l’Organisation des Nations Unies, le 4
novembre 1956, la création des Casques bleus, lorsqu’il est ministre des
Affaires extérieures pour le gouvernement du Parti libéral du Canada (PLC) de
Louis St-Laurent. De 1963 à 1968, alors qu’il occupe
le siège du premier ministre canadien, il œuvre cette fois à l’édification de l’État-providence, avec le soutien précieux du NPD de Tommy
Douglas, le père de l’assurance maladie.
Les œuvres de Woodsworh
et de Pearson peuvent-elles nous inciter à inclure dans les valeurs canadiennes
la capacité à reconnaître les droits des travailleurs à se réunir dans un syndicat? Le Canada
n’est pas le Wisconsin, un état subordonné à une loi qui annule les bénéfices
syndicaux depuis le 9 mars 2011. Dans ce beau et grand pays, la moyenne
d’employés syndiqués atteint environ 30 %, dont le plus haut taux (près de 40 %) est réservé au Québec. Madame Turmel
doit certainement partager cette valeur. Une chaire de l’Université du Québec honore
son travail au sein de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) depuis
2009. En continuant à puiser dans les réalisations de Woodsworh
et Pearson, j’ajoute à ces valeurs le respect des institutions démocratiques,
la tolérance, l’égalité entre citoyens, la liberté de
parole et l’opposition aux conflits militaires. Regardons la réalité
en face. Les Canadiens sont des gens pacifistes et tolérants qui utilisent,
sans se gêner, leurs droits et libertés pour améliorer la démocratie et se
doter de mesures égalitaires. Et lorsque les contraintes se multiplient avec
les frustrations qu’elles engendrent, ils manifestent leurs oppositions, sans
violence. Enfin, je ne peux oublier la sociale démocratie,
le ciment qui unit les autres valeurs afin de permettre aux Canadiens de
traverser les crises et perturbations économiques sans
trop de peine.
Je ne sais pour Madame Turmel,
mais moi j’ai l’impression que le mortier s’effrite. En 2011, la sociale
démocratie est devenue tributaire des humeurs et impératifs de gouvernements gérant
l’incohérence à la place de l’éviter. L’assurance maladie qui encadre la santé représente
un exemple parmi d’autres. Alors que l’industrie multiplie les occasions pour
que nous nous livrions à des excès de tous genres nuisant trop souvent à notre condition
physique, nous pouvons consulter gratuitement un médecin après quatre heures d’attente
entre une télévision HD jouant des films de Disney et une distributrice de
friandises vendant des produits Nestlé. Et encore, cette même sociale
démocratie canadienne s’offre des petits conflits avec des communautés par son
refus de les rassembler autour d’une langue et d’une culture commune, afin de
lui donner plus de force. Grosso modo, au Canada nous séparons l’individu de la
collectivité au nom de droits qui briment la majorité.
Devrions-nous mettre autant
d’argent pour colmater les brèches dans la sociale démocratie que pour financer
des conflits militaires en Asie centrale ou en Afrique du Nord? Le NPD doit
certainement reconnaître que le meilleur ciment n’est pas la sociale démocratie
«canadienne», mais le socialisme pour cette raison: ce mot est inscrit dans la
constitution du NPD depuis la fondation du parti en 1961. J’aime cette initiative.
Contrairement à la sociale démocratie, le socialisme exige la présence de
personnes intransigeantes, motivées et animées d’une passion de préserver le
peuple des dangers de l’individualisme sous toutes ses formes. Et lorsque nous
cherchons des valeurs communes, il est important de préciser que la survie du
socialisme repose avant tout sur notre capacité à sacrifier les valeurs
individuelles afin de mieux servir les valeurs collectives. Le mot «socialiste»
est aussi dur. Tellement qu’il est devenu péjoratif pour beaucoup de Canadiens
qui s’inquiètent des humeurs des États-Unis, comme Lucien Bouchard de la santé
des gazières. Cette nation au Sud a souvent utilisé ce mot pour dénigrer des
pays qui ne cadraient pas avec ses idéaux nationaux. Le Canada n’y a pas
échappé. Au début des années 70, le premier ministre Pierre Elliott
Trudeau, grand ami de Fidel Castro, fut accusé d’être un socialiste par le
président Nixon. Quelques années après, à l’époque du gouvernement de René
Lévesque d’avant le référendum de 1980, le mot socialiste fut collé sur le
front du Parti québécois (PQ) par une certaine diplomatie étasunienne qui partageait
la même vision du monde que la CIA.
De l’action
S.V.P.
Est-ce pour cette raison que lors du Sommet de Vancouver du NPD de juin 2011, il fut proposé que le mot «social-démocratie» devienne le substitut de «socialiste»? Par bonheur, cette proposition fut reportée par le NPD. Malheureusement, cette décision ne peut radier de mon esprit cette impression que les valeurs du Canada le font ressembler à un lieu où les lapins blancs mangent des muffins aux carottes de Ti-Moton en se reposant sur le ventre de grizzlis dodus qui taquinent des bagels au Salomon. Trop paisible, au point de craindre une perte marquante de notre capacité à intervenir rapidement pour régler des petits drames: pont fermé, inondations, défaite d’une équipe de hockey ou fuite d’un centre d’appel de spoliateurs vers les États-Unis sous le regard hébété d’un gouvernement Valium. Tellement soporifique le Castor que si je servais les forces de l’ordre, je me sentirais obligé de mijoter quelques projets pour garder la forme. Je ne crois pas pour autant que nous devrions sortir de nos poches un autre milliard de dollars pour refaire le jeu du Sommet du G20 de Toronto de juin 2010 afin de frapper sur des manifestants et procéder à des arrestations, infiltrer les contestataires du Sommet du Partenariat pour la sécurité et la prospérité de Montebello d’août 2007. Nous devrions plutôt créer une nation plus virile pour que nos élites intellectuelles, tel le maire de Toronto Rob Ford, puissent occuper un siège solide et confortable.
À cette fin, comprenons
que cette liberté de parole que nous voulons pure et douce peut aussi
être sanglante et répressive. Avant la naissance du NPD, le Canada s’est payé
quelques morts, incarcérations et blessés pour encadrer les limites de cette
liberté. Helen Armstrong,
célèbre féministe canadienne honorée par une chanson des Rhythm
Activism en 1996, est une de ces chanceuses qui fut incarcérée
plusieurs fois pour sa liberté d’expression. Le premier avril 1918, quatre Québécois
se retrouvant parmi les manifestants contre la conscription sont tués par
l’armée canadienne. La liberté de se syndiquer et de manifester n’y
échappe pas. Lors de la Grève générale de 1919, les plombs de la Gendarmerie
royale du Canada réussissent à blesser trente travailleurs et à en tuer un
autre. Au Québec, en 1949, la Grève d’Asbestos (grève de l’amiante), qui touche
5 000 employés, profite, à des centaines d’arrestations et à la
molestation de grévistes.
Pour le respect des institutions,
c’est plus compliqué. Cette valeur repose en partie sur la
Constitution canadienne, les bases de notre système démocratique et des droits
civiques qui servent à l’ébauche de lois. Ses modifications de 1981 sous le
régime de Pierre Elliott Trudeau n’ont jamais été
signées par le Québec. À cette époque le NPD existe. Et tant qu’à m’exprimer,
il me semble qu’un parti socialiste digne de ce nom aurait dû inciter les
Canadiens à choisir entre la signature du Québec et son départ de la
Confédération. Ce n’est pas le cas. Le viril Canada préfère engloutir ses ailes
de poulet et ses Canadian Light sans
réserve. Et lorsque son estomac brûle, il avale son antiacide. Pour la
Constitution canadienne, c’est le Statu Quo qui permet de mieux digérer
les nombreuses incursions du Canada dans des champs de juridictions
provinciales. Nycole Turmel
connaît la cuisine. Lors de la campagne de 2011, le NPD a donné quelques bons
coups de couteau sur la volaille, en tenant des promesses sur la santé et
l’éducation, sans préciser qu’elles étaient des compétences provinciales. C’est
comme si la présence de la chaire Turmel dans une université
québécoise, avec le soutien financier de l’AFPC (un
syndicat pancanadien), devait normaliser les ingérences.
Un pays viril doit aussi s’amuser.
Je ne crois pas pour autant que le Canada devrait rire de l’exclusion du Québec
et lui mettre le bonnet du cancre sur sa tête en attendant de le flageller à la
sortie de l’école. Je pense seulement que la tolérance serait plus
saine si elle se laissait porter par l’humour. C’est le cas du Canada anglais.
Pour exulter ses émotions, il feint, comme un acteur professionnel, un refus de
parler le français et une fermeture au bilinguisme des juges de la Cour suprême.
Pour rire, il traite les Québécois de racistes, de nazis et de bâtards. Que
fait le Québec? Il demeure sérieux et ennuyant. Il devient même un obstacle majeur
à la bonne entente en restant respectueux des gens les plus méprisants. Ainsi, il
ne répond pas aux farces de Don Macpherson du quotidien The
Gazette affirmant que «si Pierre-Karl Péladeau réussit à amener une équipe de hockey à Québec,
elle ne devrait pas s’appeler Les Nordiques, mais Les Xénophobes».
Il ne rigole pas en lisant un éditorial de David Goldberg du journal
bimensuel anglophone NDG Free Press du 10 mai qui
associe subtilement l’œuvre de Duceppe du Bloc
Québécois à celle du terroriste Ben Laden en soulignant
son bonheur de voir disparaître les deux personnages dans la même semaine. Non!
Le Québec boude.
Devant ce théâtre désopilant,
nous découvrons l’ambiguïté du NPD. Le parti
socialiste se dissocie de ceux qui s’amusent du Québec tout en n’étant pas avec
les Québécois sérieux. Pouvons-nous aller jusqu’à dire que cette neutralité encourage
ce refus du verbe présenté dans Le Livre amer
(2009): une négation de la sémantique des mots omniprésente dans les régimes
totalitaires et autour de propagandes? C’est non seulement le cas, mais l’humour
subtil canadien nous permet de découvrir que le sens du mot «assimilation» change
selon la langue qui le prononce. Dans le Canada anglais, il s’intègre à la
capacité d’assimiler une idée, un concept, un beignet de Ti-Moton,
une pizza ou une farce, pendant qu’au Québec il résume la disparition de la
langue française et de la culture qui s’y colle. Ce même refus encourage cette réalité
d’un Canada plus près de l’esprit rigolo de Rob Ford que de Woodsworth
et Pearson. Devant cette situation, quelles sont les positions du NPD? À la
place d’attendre une réponse claire, le Québec devrait-il tenter de faire rire
le Canada anglais en faisant semblant d’être un partisan de l’unilinguisme
francophone des juges de la Cour suprême, de ne pas pouvoir parler l’anglais, de
lier le mot «assimilation» à l’extinction des anglophones et traiter de racistes
et de nazis les personnes qui critiqueraient ses actes et propos? Si c’était le
cas, nous pourrions placer l’humour au centre des valeurs communes qui
unissent le Castor et la Belle province. Autrement, le Québec s’assimilerait à
la lâcheté. Un peuple qui regarde passivement sa langue et sa
culture s’envoler au même rythme que ses ressources naturelles. Un peuple qui baisse
son pantalon, à la place de se relever les manches, en accusant les
souverainistes de provoquer ses crises d’urticaire afin de ne pas mettre la cause
sur sa sodomie quotidienne.
Un pouvoir
central fort
Laissons tomber les relations amoureuses entre le Québec et le
Canada pour revenir à ce voyage cité plus haut. En juillet 2010, j’ai profité
d’une pause bien méritée au bord de l’océan pour
plonger dans La Faim de la Terre (1), un roman apocalyptique de
Jean-Jacques Pelletier. À la page 731, un dialogue entre Wang
Li, un chinois, et Hurt, un enquêteur, interroge notre
capacité à traverser les siècles comme critère d’évaluation de la réussite de
notre société. Dans ce roman, la longévité de la Chine se lie à quatre dragons
qui symbolisent les quatre points cardinaux et les quatre éléments. Ces dragons
possèdent trois têtes. Une représente l’équilibre qui préserve la
vie des intempéries, alors les deux autres se lient à la mort en symbolisant les excès et le dénuement.
Deux têtes qui nous font mourir soit d’une trop grande consommation de
nourriture ou de famine pour la terre, gelé ou brûlé pour le feu, de noyade ou
de soif pour l’eau, asphyxié ou d’hyper oxygénation pour l’air.
Un cinquième dragon de
métal se retrouve au centre des quatre autres. Il symbolise le cinquième
élément, la terre du milieu ou le gouvernement central fort qui s’assure de
maîtriser les têtes de l’abondance et du dénuement pour préserver celle de
l’équilibre. Dans La Faim de la Terre, Wang Li
affirme que la menace de cet équilibre est l’individualisme occidental et cette
faculté que nous avons à remplacer le pouvoir central par des vedettes et les
médias. Cela nous permet de troquer le Livre rouge de Mao pour La Presse
à Paulo (Desmarais), du
Norman Nawrocki ou du 350 Quatre Barils
pour du Bono (U2) pour rendre notre société, dite capitaliste, aussi inquiétante
qu’un comité central communiste qui pense pour nous, avec cette différence: les
nouveaux empereurs oeuvrent au nom de l’abondance en cachant la tête du dénuement.
Revenons au Canada. Sans vouloir
irriter Madame Turmel, je dirais que les valeurs
canadiennes sont tributaires des valeurs mondiales que nous avons acceptées,
non par des référendums ou des élections, mais en laissant des crieurs de
chiffres négocier à huis clos des échanges économiques. Pour conséquence, le
gouvernement central fort est devenu mondial par la présence d’entités tels le
Fond monétaire international, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du
commerce. Bien sûr, nous ne parlons pas de corbeaux charognards dévorant leur
prochain pour qu’il ne puisse se putréfier en paix, mais de nouveaux empereurs
qui se donnent les outils nécessaires pour que nous puissions pourrir avant
d’être dévorés, par le soutien des prêts de survie, des bouées de sauvetage ou
de plans de relance qui influent indirectement sur les quatre éléments. Au
moment d’écrire ce texte, je ne connais pas la résolution du Congrès étasunien
du 2 août. Je constate seulement que le centre du capitalisme mondial se
déplace vers l’Ouest pendant que la tête du dénuement s’agite férocement contre
l’oncle Sam depuis 2008. Trois ans après, en 2011,
l’Europe confronte cette tête, la Grèce s’enfonce, d’autres mendiants émergent
et la planète plonge vers une crise alimentaire et énergétique qui crée une boucle
inflationniste qui rendra non seulement impossible la reprise économique en occident,
mais nuira en plus au rendement des fonds de retraites, REER et divers
placements. Devant ce problème, à la place de rêver à la stabilité, nous
sacrifions l’autre pour agiter la tête de l’abondance. Nous devenons des
charognards qui dévorent les droits et la démocratie pour de meilleurs gains
aux actionnaires.
Névrose
Est-ce pour riposter contre ce gouvernement
central omnipotent que le Québec a élu 59 députés du NPD, dont Ruth Ellen Brosseau de Berthier-Maskinongé,
celle dont «le brain» claque comme un
transistor saturé lorsque du français frappe rapidement ses tympans? Dans Ces
névrosés que nous sommes publié dans Le Devoir du 14 et 15 mai 2011,
l’auteur et éditeur Victor-Lévy Beauliieu
(VLB) utilise le mot «névrosé» pour exprimer son incrédulité
devant la vague orange qui a balayé le Québec en posant ces deux
questions:
Comment
pouvons-nous confier à des gens dont on n’a jamais entendu parler le droit
de nous représenter?
Comment
pouvons-nous confier à des gens qui, pendant toute une campagne
électorale, sont restés chez eux, parfois à cinq cents milles de la
circonscription qu’ils revendiquaient, et cela, dans un silence total?
J’ai aimé découvrir dans le texte de VLB quelques extraits de L’Ombilic des Limbes (1925) de Antonin Artaud (1896-1948) nous présentant un être diminué par une perte de contact avec sa grandeur réelle qui l’amène à rationaliser son droit de penser, de parler et d’être en fonction d’une identité réduite. Pouvons-nous comparer cet état d’âme d’Artaud à la Belle province? Le Québec ressemble à un «névrosé» comme l’ont affirmé Clotaire Rapaille et plus tard, Denis Trudel lors de son discours tenu le 21 mai dernier à l’Olympia de Montréal, en l’honneur des Patriotes. J’ajoute que le névrosé est épuisé. Ça fait plus de 250 ans qu’il se défend et résiste contre les attaques de l’empire colonial. Ça fait plus de 250 ans que cette défensive le transporte vers des défaites crève-coeur qui le font reculer sur tous les fronts. Enfin, il ne semble pas comprendre que repousser ces attaques provoque chez lui un épuisement général qui l’empêche de plus en plus de se défendre. Pour conséquence, il se découvre conquis sur tous les plans au point de laisser celui qui l’attaque diriger ses actions et prendre le contrôle de son identité. Cela l’amène à adopter un réflexe conditionné qui consiste à adapter sa pensée et son langage (refus du verbe) aux besoins de son colonisateur.
C’est en l’observant, lors de la fête des Patriotes du 21
mai, que j’ai compris que sa résistance agonise. Bien que je ne lui demande pas
de mettre un ministre dans une valise de char pour me démontrer sa capacité d’agresser,
je m’attendais au moins qu’il refuse de se plier devant son colonisateur en ne
buvant pas des Coors Light et de Molson Dry se vendant en exclusivité pour fêter la
résistance (sic) des Patriotes, des bières d’une famille américaine ayant
financé Reagan et d’une fédéraliste canadienne et loyaliste. Non. Espérer que
le malade occupe sa pleine grandeur et largeur, le temps d’un rassemblement
partisan, représente pour lui un trop grand effort. Par cette réaction, je
crois que la névrose du Québec cache une folie suicidaire. Pour l’exprimer,
Catherine Dorion (Le Soucide
collectif) a comparé l’ex-URSS avec le Québec. Pour elle, ces deux sociétés
du refus du verbe ont attaqué des personnes qui ne cadraient pas avec
l’idéologie dominante. Elle ajoute que le taux de suicide de la Belle province se
rapprocherait de celui, très élevé, du régime communiste, si nous, êtres
supérieurs portés par une sociale démocratie gérée par des corbeaux et des
renards flirtant avec les PPP, n’administrions pas des prescriptions de
médicaments pour éviter le pire. Pour conséquences, nous devenons une biche
dont le devoir non accompli nous pousse à consommer une quantité
impressionnante d’antipsychotiques, d’antidépresseurs et de Ritalin.
Nous subsistons en nous coupant de nos rêves de liberté et de dépassement, en
espérant que notre posologie nous donne le droit à des rabais sur la bière, dans
le but de satisfaire le conservateur Maxime Bernier.
Vaut-il mieux battre un record de
consommation de drogue que d’être interné treize ans dans un environnement
contrôlé comme le fut Antonin Artaud à la Maison de santé de Rodez? Moi je
crois que la démarcation entre Rodez et la Belle province est très mince. En
fait, le Québec ressemble de plus en plus à une gigantesque aile psychiatrique
à ciel ouvert. Mais encore, ici on ne soigne pas la névrose ou la folie
suicidaire. On la normalise en fonction de besoins sociaux et économiques. Pour
y arriver, en avril 2003 on s’est même offert le Dr. John James Charest, un ex-conservateur spécialiste dans le contrôle de
l’environnement. Il a compris, dès Meech, que le
Québécois moyen habitait une province trop large et trop grande pour ses
ambitions. Élu pour régler ce problème par un rétrécissement de l’État et un
pillage de nos ressources, en 2016, il devrait guérir définitivement notre besoin
d’indépendance, lors de son quatrième mandat. Treize ans sur le trône, comme je
le soulignais dans
Nouvelles de l’Interzone d’octobre 2009.
Treize ans à se faire répéter des phrases creuses et à sentir la fraude nous hanter.
Treize ans à observer le déclin du français qui mettra fin à la grandeur de
notre culture. Treize ans pour que John puisse nous morceler au nom de
l’abondance, sans se soucier de l’équilibre budgétaire qui pourrait causer une
vague de privatisations. Treize ans de maux dignes du théâtre de la cruauté de
Artaud pour nous fabriquer un environnement sans contraintes, celui se limitant
aux petits cadres d’un milieu contrôlé par le colonisateur, cet Empire
anglo-saxon que nous imitons à merveille, dont nous parlons la langue pour le
servir chez nous, pendant que disparaît le besoin de se dépasser pour l’idéal
de l’indépendance afin de profiter à une culture globale et mondiale carburant
à la mort et à la transformation du même empire. Treize ans pour amputer notre
mémoire et remplacer notre histoire par des mensonges institutionnalisés. Nous
faire croire que la Bataille des Plaines fut une rencontre fraternelle entre
deux grands maîtres maçons chantant Poker Face de Lady Gaga, ou quelque
chose pouvant ressembler à n’importe quoi, sauf la vérité. Treize ans à laisser
des cancres utiliser les médias pour véhiculer des fadaises, comme nous l’avons
vécu lors du 400e de Québec. Treize ans pour nous enfoncer dans le
cerveau des mensonges tels un Canada fondé en 1608 et Champlain qui
était le premier gouverneur général du Canada.
En 2011, cet être diminué s’impose
des corvées de nettoyage de son espace de vie pour mieux accueillir ses «saigneurs».
Malheureusement, la vague orange n’est pas la vadrouille qui effacera John
James Charest et le PLQ, car le blanchissement de la nation
s’opère en frottant autour des grosses taches. Pour prix, l’illusion tranquille
devient le pansement fédéraliste d’une assimilation passive des Québécois qui
prend la route du bilinguisme pour ne pas irriter les droits à la fermeture du Canada. Une impression que le Québec a voté pour le
NPD afin de se payer une agonie paisible servant les pilleurs de ressources
naturelles pêchés, à coup de genou flexions, dans les capitales mondiales d’un
capitalisme qui n’a rien de social-démocrate. Pour prix, on évite d’opposer la
souveraineté du Québec au fédéralisme canadien, à travers des idées, des
projets et des rêves, pour se dévouer, sans condition, au statu quo du colonisateur
et de ses capucins. Nous plaçons l’indépendance du Lys dans le panier à
immondices pour que François Legault puisse le vider
dans le camion à recyclage de Liberté Québec, question d’oublier que s’offrir
un pays dynamique, coupé de ses rituels monarchistes, son colonialisme, ses
astrologues de l’économie et ses serviteurs de réseaux d’initiés sera toujours
plus difficile et fatiguant que de se laisser mener par les poupées de charognards
ventriloques.
Pendant que le Québec vit les
conséquences de ses choix politiques, le monde glisse vers un avenir qui risque
de passablement transformer notre qualité de vie et même provoquer des révoltes
(à moins d’écouter Bernier en baissant le prix de la bière). Au centre, le
mortier devient la Chine. Cette brillante et riche économiste possède le
potentiel pour utiliser le capitalisme dans l’intention d’y mettre un terme ou
du moins, le convertir à son avantage, en achetant des institutions publiques
qui passeront dans le broyeur de la privatisation. Attendre que la tête du
dénuement s’agite pour discuter de la mise en place d’un nouvel ordre économique
mondial dont l’équilibre passerait par le rationnement ou une diminution de la
population. La Chine est aussi l’artisan
de l’alliance de Shanghai. Ce regroupement ayant parmi ses troupes la Russie,
l’Iran et la Syrie est devenu une opposition à l’alliance transatlantique
dirigée par les É.-U.. Au
menu: se débarrasser du dollar américain. La réaction de Sam,
selon une entrevue avec Robert Bibeau réalisée par
André Pesant dans le cadre de l’émission
Le Monde
cette semaine (CIBL FM) du 15 mai 2011: déstabiliser ces
partenaires économiques en coupant l’accès au pétrole. Comment? En attaquant la
Syrie, le lieu de passage de pipelines et le maillon faible de l’alliance de
Shanghai. Cette réprimande serait aussi un avertissement à l’Iran de ne pas
aller plus loin dans sa volonté de transiger avec d’autres monnaies que le
dollar US. Il y a aussi la Libye. Sam rêve d’une union
entre le groupe de Benghazi et Tripoli pour s’assurer le contrôle de pétrole
dans l’intention de le marchander avec une fidélité au dollar. Sam désirerait aussi attaquer l’Iran pour bloquer le
détroit d’Ormuz et empêcher la sortie de 55 % de l’or noir vers l’Europe
et l’Asie. Enfin, toujours selon Monsieur
Bibeau, la France, ancienne puissance coloniale,
oeuvrerait à l’invasion de la Syrie pour cette raison: le pays de Sarkozy doit
racheter la confiance de Sam pour avoir joint, sans
trop de bruit, l’Alliance de Shanghai.
Pendant que la Russie et la Chine
refusent une intervention en Syrie, une rumeur prétend que les soulèvements
populaires furent d'abord planifiés par des agents de la CIA. Nous ne pouvons
le cacher, cette agence de renseignement, comme d’autres, fréquente les
corbeaux, les biches et les renards. Elle pourrait aussi nous aider à expliquer
l’étrange vague orange, à la condition d’accepter que la manipulation mentale soit
une valeur canadienne et que le Québec serve de site d’expériences. La suite
dans les prochaines
Nouvelles de l’Interzone.